La sculpture d’Alain Marcon est une tentative permanente de concilier des contraires. Une technique lente, celle du bois sculpté, fouillé, traversé de vide, est mise au service du geste, de la dynamique, de l’instant. Cette sculpture hors du temps emprunte à tous les temps, expérimente un langage décalé pour dire des réalités d’aujourd’hui.
Le paysage, genre habituellement réservé aux peintres, a dans la sculpture d’Alain Marcon une place centrale, indissociable de la figure. Comme dans l’art de la Renaissance, le sculpteur utilise souvent la fenêtre comme moyen d’articuler deux espaces, une scène d’intérieur au premier plan et un paysage dans le lointain. Ainsi « La Fenêtre » de 1983, « Finestra » de 1985 ou plus récemment « La pie frigorifiée » de 2005. Le paysage peut aussi être traité pour lui-même en petits reliefs inspirés de la tradition orientale : « Gwin Segal » en 2002, ou une gageure « Brumes sur Saint-Cyprien » en 2001. Mais le plus souvent le paysage symbolise le rêve, le souvenir, il est l’écrin d’histoires multiples portées par la figure centrale. Chaque pièce, monumentale, indépendamment de sa taille, enferme un microcosme où les paysages sont eux-mêmes habités de figures minuscules. Ce monde foisonnant émerge en même temps de la pièce de bois et de la couleur. Il ne s’agit pas de sculpture peinte après coup, mais bien de formes pensées et réalisées dans la couleur.
La virtuosité technique bien réelle et si peu moderne peut ne pas être comprise et rejeter le travail du côté de l’artisanat, ou au contraire séduire par la douceur des modelés qu’elle fait naître, par la sensualité de la matière.
La réalité d’Alain Marcon est aussi celle des rêves, des images fantasmées traversées de corps de femmes, et de couples enlacés, « Les Amants du métro » de 1995, « Le Rêveur » de 1996.
Aujourd’hui, la sculpture se fragmente, se déchire en une impossible composition éclatée, où le vide devient l’élément central, le lieu d’une tension comme dans « La Jeune femme au papillon » de 2002, ou « Les Joueuses de cartes » de 2005, la même année que « La Violoncelliste » plusieurs fois reprise. Plus que d’autres, les sculptures d’Alain Marcon invitent le spectateur au mouvement, l’oblige à se pencher, à fouiller du regard, autant de gestes nécessaires pour y entrer.
Marie-Françoise Le Saux, Conservateur en chef des musées de Vannes